Modèle d'Ising pour le Ferromagnétisme
Comprendre : Le Modèle d'Ising et les Transitions de Phase
Le modèle d'IsingUn modèle mathématique en physique statistique utilisé pour décrire le ferromagnétisme. Il consiste en un réseau de "spins" discrets qui ne peuvent prendre que deux valeurs (+1 ou -1) et interagissent avec leurs plus proches voisins. est l'un des modèles les plus fondamentaux de la physique statistique. Bien que simple, il capture l'essence d'un phénomène complexe : la transition de phaseLa transformation d'un système thermodynamique d'une phase à une autre. Dans le modèle d'Ising, c'est la transition d'un état désordonné (paramagnétique) à un état ordonné (ferromagnétique).. Il modélise un matériau ferromagnétique comme un réseau de "spins" atomiques qui peuvent s'orienter "vers le haut" (+1) ou "vers le bas" (-1). L'interaction entre spins voisins favorise l'alignement, tandis que l'agitation thermique (température) favorise le désordre. Cet exercice explore la version 1D de ce modèle, qui, bien que ne présentant pas de transition de phase à T>0, est exactement soluble et constitue une excellente introduction à des techniques plus avancées.
Remarque Pédagogique : L'objectif est de voir comment une interaction microscopique simple (l'alignement des spins) peut mener à un comportement collectif macroscopique (l'aimantation). On utilisera la "méthode de la matrice de transfert", une technique puissante pour résoudre les problèmes de chaînes 1D.
Données de l'étude
- \(J > 0\) : Constante de couplage ferromagnétique. Un \(J\) positif favorise l'alignement des spins voisins.
- \(h\) : Champ magnétique externe.
- On utilisera des conditions aux bords libres (le premier et le dernier spin n'interagissent pas).
Schéma : Chaîne de spins 1D
Questions à traiter
- Par énumération directe, calculer la fonction de partition \(Z_3\) pour une chaîne de \(N=3\) spins en l'absence de champ magnétique (\(h=0\)).
- Introduire la matrice de transfertUne matrice qui encode les poids de Boltzmann pour les interactions entre sites voisins dans un système en réseau. La fonction de partition totale peut être exprimée en fonction des puissances de cette matrice. \(T\) qui relie deux spins adjacents. Montrer que \(Z_N\) peut s'exprimer simplement en fonction des puissances de \(T\).
- Calculer les valeurs propres de la matrice de transfert \(T\).
- En utilisant la méthode de la matrice de transfert, trouver l'expression de la fonction de partition \(Z_N\) pour une chaîne de \(N\) spins à la limite thermodynamique (\(N \to \infty\)).
Correction : Modèle d'Ising 1D
Question 1 : Fonction de Partition pour N=3 par Énumération
Principe :
Pour un petit système, on peut lister tous les micro-états possibles, calculer l'énergie de chacun, puis sommer leurs poids de Boltzmann respectifs pour obtenir la fonction de partition \(Z\).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Cette méthode "brute" est instructive mais devient rapidement impraticable. Pour \(N=3\), il y a \(2^3=8\) états. Pour \(N=20\), il y en a déjà plus d'un million ! Cela motive la recherche d'une méthode plus générale, comme la matrice de transfert.
Calcul(s) :
L'Hamiltonien pour N=3 et h=0 est \(H = -J(S_1 S_2 + S_2 S_3)\). Les 8 micro-états se groupent en 3 niveaux d'énergie :
La fonction de partition est la somme des poids de Boltzmann de ces états :
Question 2 : Méthode de la Matrice de Transfert
Principe :
On peut réécrire la somme de la fonction de partition. Chaque terme de l'Hamiltonien ne dépend que de deux spins voisins. On peut donc regrouper ces termes dans une matrice, appelée "matrice de transfert" \(T\), dont les éléments \(T_{S_i, S_{i+1}}\) représentent le poids de Boltzmann de l'interaction entre le spin \(i\) et le spin \(i+1\).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : La magie de cette méthode est qu'elle transforme un problème de combinatoire (sommer sur \(2^N\) configurations) en un problème d'algèbre linéaire (calculer la puissance \(N\)-ième d'une petite matrice 2x2). C'est un changement de perspective extrêmement puissant.
Calcul(s) :
On écrit \(Z_N\) en développant la somme :
En regroupant les termes, on peut définir la matrice de transfert \(T\) de dimension 2x2 (car \(S = \pm 1\)) :
La somme sur toutes les configurations devient alors une trace de produits de matrices. Pour une chaîne avec conditions périodiques (\(S_{N+1}=S_1\)), on obtient exactement :
Question 3 : Valeurs Propres de la Matrice de Transfert
Principe :
Le calcul de \(T^N\) est simplifié en diagonalisant la matrice \(T\). La trace de \(T^N\) est alors simplement la somme des valeurs propres à la puissance \(N\).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Les valeurs propres de la matrice de transfert contiennent toute l'information sur le comportement à grande échelle du système. La plus grande valeur propre, en particulier, déterminera l'énergie libre du système à la limite thermodynamique.
Calcul(s) :
La matrice \(T\) a pour éléments \(T_{++}, T_{+-}, T_{-+}, T_{--}\). En utilisant la formule, on trouve :
On trouve les valeurs propres \(\lambda_\pm\) en résolvant l'équation caractéristique \(\det(T - \lambda I) = 0\).
Question 4 : \(Z_N\) à la Limite Thermodynamique
Principe :
On a \(Z_N = \text{Tr}(T^N) = \lambda_+^N + \lambda_-^N\). À la limite thermodynamique (\(N \to \infty\)), la plus grande des deux valeurs propres, \(\lambda_+\), va dominer la somme de manière écrasante.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Cette approximation est au cœur de la physique statistique des systèmes macroscopiques. Même s'il existe une infinité d'états, le comportement global est dicté par une poignée de termes dominants. Ici, l'énergie libre par site, \(f = -k_B T \ln Z_N / N\), devient simplement \(-k_B T \ln \lambda_+\) pour un N très grand.
Calcul(s) :
On peut écrire \(Z_N\) comme :
Comme \(|\lambda_-/\lambda_+| < 1\), le terme entre parenthèses tend vers 0 lorsque \(N \to \infty\). On a donc :
Test de Compréhension : Pourquoi le terme \((\lambda_- / \lambda_+)^N\) devient-il négligeable ?
Tableau Récapitulatif Interactif
Cliquez sur les cases grisées pour révéler les résultats clés de l'exercice.
Étape Clé | Résultat |
---|---|
Hamiltonien du système | Cliquez pour révéler |
Matrice de transfert \(T\) | Cliquez pour révéler |
Fonction de partition \(Z_N\) | Cliquez pour révéler |
Approximation pour N grand | Cliquez pour révéler |
Simulation : Aimantation Spontanée
Calculez l'aimantation \(M = \frac{1}{N}\frac{\partial \ln Z_N}{\partial (\beta h)}\) et observez son comportement en fonction de la température pour différentes forces de couplage. Notez l'absence de transition de phase nette en 1D.
Paramètres de Simulation
À vous de jouer ! (Défi)
Défi : Le modèle "antiferromagnétique" est obtenu en prenant \(J < 0\). Que deviennent les valeurs propres de la matrice de transfert dans le cas \(h=0\) et \(J = -|J|\) ? Comment cela affecte-t-il l'énergie de l'état fondamental du système ?
Le Saviez-Vous ? La Solution en 2D et au-delà
Le modèle d'Ising 1D, bien qu'instructif, ne présente pas de ferromagnétisme spontané à une température non nulle. Il faut au moins deux dimensions pour cela ! La solution exacte du modèle d'Ising 2D par Lars Onsager en 1944 fut une percée monumentale en physique statistique, montrant une transition de phase nette à une température critique \(T_c = \frac{2J}{k_B \ln(1+\sqrt{2})}\). La solution pour le modèle 3D reste à ce jour l'un des plus grands problèmes non résolus de la physique théorique.
Foire Aux Questions (FAQ)
Pourquoi n'y a-t-il pas de transition de phase en 1D ?
En une dimension, l'énergie nécessaire pour créer un "domaine" de spins inversés (une "cassure" dans l'alignement) est finie et ne dépend pas de la taille du système (c'est toujours 2J). À n'importe quelle température T > 0, l'agitation thermique a assez d'énergie pour créer de telles cassures, ce qui détruit tout ordre à longue portée. L'aimantation spontanée ne peut donc pas se maintenir. En 2D et plus, le coût énergétique pour créer un domaine inversé augmente avec la taille du domaine, ce qui permet à l'ordre de persister en dessous d'une température critique.
Qu'est-ce que "l'approximation du champ moyen" ?
C'est une méthode de simplification pour résoudre le modèle d'Ising dans des dimensions supérieures. Au lieu de considérer l'interaction exacte d'un spin avec ses voisins (qui ont eux-mêmes des orientations fluctuantes), on remplace cette interaction par une interaction avec un "champ moyen" effectif. Ce champ représente l'aimantation moyenne de l'ensemble du matériau. Cette approximation ignore les corrélations locales mais réussit à prédire qualitativement l'existence d'une transition de phase.
Le modèle d'Ising s'applique-t-il à autre chose que le magnétisme ?
Absolument. C'est un exemple de son "universalité". Le modèle d'Ising peut être utilisé pour modéliser une grande variété de systèmes qui présentent un comportement binaire coopératif. Par exemple : les alliages binaires (atome A ou B sur un site), les transitions liquide-gaz, le repliement des protéines, les réseaux de neurones, et même certains modèles en sociologie ou en finance. Les spins "up/down" peuvent représenter n'importe quel choix binaire.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Dans le modèle d'Ising 1D, une transition de phase ferromagnétique (aimantation spontanée) se produit à :
2. La méthode de la matrice de transfert est particulièrement efficace car elle transforme un problème de somme sur des configurations en un problème :
Glossaire
- Modèle d'Ising
- Un modèle mathématique en physique statistique utilisé pour décrire le ferromagnétisme. Il consiste en un réseau de "spins" discrets qui ne peuvent prendre que deux valeurs (+1 ou -1) et interagissent avec leurs plus proches voisins.
- Transition de Phase
- La transformation d'un système thermodynamique d'une phase (par exemple, désordonnée/paramagnétique) à une autre (ordonnée/ferromagnétique) lorsqu'un paramètre externe comme la température est modifié. Elle est souvent associée à une non-analyticité de l'énergie libre.
- Matrice de Transfert
- Une matrice qui encode les poids de Boltzmann pour les interactions entre sites voisins dans un système en réseau. La fonction de partition totale peut être exprimée en fonction des puissances de cette matrice, ce qui simplifie grandement les calculs pour les systèmes 1D.
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