ÉTUDE THERMODYNAMIQUE

Le troisième principe et l’entropie absolue

Thermodynamique : Le Troisième Principe et l'Entropie Absolue

Le troisième principe et l'entropie absolue

Contexte : Le point de référence de l'entropie

Les premier et deuxième principes de la thermodynamique permettent de calculer des variations d'entropie (\(\Delta S\)), mais pas la valeur de l'entropie elle-même. Comment fixer une échelle absolue ? Le troisième principe de la thermodynamiquePostule que l'entropie d'un cristal parfait est nulle à la température de zéro absolu (0 K). Il fournit un point de référence naturel pour l'entropie., formulé par Walther Nernst, apporte la solution : il postule que l'entropie d'un cristal parfaitUn solide dans lequel les atomes ou les molécules sont disposés dans un réseau parfaitement ordonné, sans aucun défaut, et dans leur état d'énergie le plus bas. est nulle à la température du zéro absolu (0 K). Ce principe établit un point de référence universel et non arbitraire, permettant de calculer l'entropie absolueLa valeur de l'entropie d'une substance à une température donnée, calculée par rapport à la référence de zéro entropie à 0 K. Notée S° dans les conditions standard. d'une substance à n'importe quelle température. Cet exercice a pour but de calculer une telle entropie en suivant le parcours d'une substance depuis 0 K jusqu'à une température donnée.

Remarque Pédagogique : Le calcul de l'entropie absolue est une application concrète et fondamentale des principes de la thermodynamique. Il combine les concepts de capacité calorifique et de chaleur latente de changement d'état pour quantifier le désordre d'un système. Ces valeurs sont tabulées et essentielles en chimie pour prédire la spontanéité des réactions.


Objectifs Pédagogiques

  • Énoncer et comprendre la signification du troisième principe de la thermodynamique.
  • Calculer la variation d'entropie lors d'un échauffement sans changement d'état.
  • Calculer la variation d'entropie lors d'un changement d'état (fusion).
  • Combiner les différentes contributions pour déterminer l'entropie molaire standard d'une substance.
  • Visualiser l'accumulation de l'entropie avec l'augmentation de la température et les changements de phase.

Données de l'étude

On souhaite calculer l'entropie molaire standard (\(S^\circ\)) de l'argon (Ar) liquide à sa température d'ébullition (\(T_{eb} = 87.3 \, \text{K}\)) sous une pression de 1 bar. On part de l'argon solide à 0 K.

Schéma : Parcours Thermodynamique de l'Argon
0 K Chauffe solide Tfus Fusion Tfus Chauffe liquide Teb

Données :

  • Température de fusion de l'argon : \(T_f = 83.8 \, \text{K}\)
  • Enthalpie molaire de fusion : \(\Delta H_f = 1.188 \, \text{kJ} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • Capacité calorifique molaire à pression constante de l'argon solide : \(C_{p,s} = 25.0 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\) (supposée constante)
  • Capacité calorifique molaire à pression constante de l'argon liquide : \(C_{p,l} = 28.0 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\) (supposée constante)

Questions à traiter

  1. Calculer la variation d'entropie molaire (\(\Delta S_1\)) pour chauffer l'argon solide de 0 K à sa température de fusion \(T_f\).
  2. Calculer la variation d'entropie molaire (\(\Delta S_2\)) lors de la fusion de l'argon à \(T_f\).
  3. Calculer la variation d'entropie molaire (\(\Delta S_3\)) pour chauffer l'argon liquide de \(T_f\) à sa température d'ébullition \(T_{eb}\).
  4. En déduire l'entropie molaire absolue (\(S^\circ\)) de l'argon liquide à \(T_{eb}\).

Correction : Le Troisième Principe et l'Entropie Absolue

Question 1 : Échauffement du Solide (0 K → Tf)

Principe :
0 Température (K) Entropie ΔS₁

Selon le troisième principe, l'entropie de l'argon (cristal parfait) est nulle à 0 K. Pour calculer l'augmentation d'entropie en chauffant le solide, on intègre la capacité calorifique divisée par la température, de la température initiale à la température finale. L'entropie augmente car l'énergie thermique apportée se répartit sur un plus grand nombre d'états de vibration du réseau cristallin.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La division par \(T\) dans l'intégrale est cruciale. Elle signifie qu'un même apport de chaleur \(\delta Q\) crée beaucoup plus de désordre (plus d'entropie) à basse température qu'à haute température. Chauffer un solide de 10 K à 11 K augmente plus l'entropie que de le chauffer de 300 K à 301 K.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \Delta S = \int_{T_i}^{T_f} \frac{n C_p(T)}{T} dT \]

Comme \(C_{p,s}\) est supposé constant, l'intégrale devient :

\[ \Delta S_1 = n C_{p,s} \ln\left(\frac{T_f}{T_i}\right)\]
Donnée(s) :
  • \(n = 1 \, \text{mol}\)
  • \(C_{p,s} = 25.0 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • \(T_i = 0 \, \text{K}\) (Théoriquement)
  • \(T_f = 83.8 \, \text{K}\)
Calcul(s) :

Attention : L'intégrale \(\ln(T_f/0)\) diverge ! Dans un calcul réel, on utilise la loi de Debye (\(C_p \approx k T^3\)) pour les très basses températures. Pour cet exercice, nous ferons une approximation en intégrant à partir d'une température très basse, par exemple 1 K, ou en utilisant une valeur tabulée pour cette portion. Admettons que les tables donnent pour la chauffe de 0 K à 83.8 K une valeur de \(\Delta S_1 = 28.6 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\). C'est une simplification pédagogique pour éviter le calcul complexe à basse température.

Points de vigilance :

Le problème de 0 K : L'hypothèse d'un \(C_p\) constant n'est pas valable à basse température. Le troisième principe implique que \(C_p\) doit tendre vers 0 quand \(T \to 0\). L'utilisation d'une valeur tabulée ou d'un modèle plus complexe (comme celui de Debye) est indispensable pour un calcul précis.

Le saviez-vous ?
Résultat (valeur admise) : \(\Delta S_1 = 28.6 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\).

Question 2 : Fusion du Solide à Tf

Principe :
Température constante ΔS₂

Lors d'un changement d'état à température et pression constantes, la variation d'entropie est simplement l'enthalpie de transition (la chaleur échangée) divisée par la température de transition. La fusion est une transition d'un état ordonné (cristal) à un état désordonné (liquide), ce qui entraîne une forte augmentation de l'entropie.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : C'est ici que le désordre augmente le plus "efficacement". Toute l'énergie fournie (\(\Delta H_f\)) ne sert pas à augmenter l'agitation thermique (la température est constante), mais uniquement à briser les liaisons du réseau cristallin, augmentant ainsi drastiquement le nombre de configurations possibles pour les atomes.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \Delta S_{\text{transition}} = \frac{\Delta H_{\text{transition}}}{T_{\text{transition}}} \]
Donnée(s) :
  • \(\Delta H_f = 1.188 \, \text{kJ} \cdot \text{mol}^{-1} = 1188 \, \text{J} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • \(T_f = 83.8 \, \text{K}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} \Delta S_2 &= \frac{1188}{83.8} \\ &\approx 14.18 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Conversion d'unités d'énergie : L'enthalpie est souvent donnée en kilojoules (kJ) alors que la capacité calorifique et l'entropie sont en joules (J). Il est impératif de convertir l'enthalpie en joules avant le calcul pour maintenir la cohérence des unités.

Le saviez-vous ?
Résultat : \(\Delta S_2 \approx 14.18 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\).

Question 3 : Échauffement du Liquide (Tf → Teb)

Principe :
ΔS₃

De la même manière que pour le solide, l'entropie du liquide augmente avec la température. On utilise à nouveau l'intégrale de \(C_p/T\), mais cette fois avec la capacité calorifique du liquide, \(C_{p,l}\), et sur l'intervalle de température de la phase liquide.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La capacité calorifique d'un liquide est généralement supérieure à celle du solide correspondant. Cela signifie qu'il faut plus d'énergie pour augmenter la température du liquide, car l'énergie doit non seulement augmenter l'agitation (translation), mais aussi vaincre partiellement les forces intermoléculaires pour permettre le mouvement des particules les unes par rapport aux autres.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \Delta S_3 = \int_{T_f}^{T_{eb}} \frac{n C_{p,l}}{T} dT \]
\[ \Delta S_3 = n C_{p,l} \ln\left(\frac{T_{eb}}{T_f}\right)\]
Donnée(s) :
  • \(n = 1 \, \text{mol}\)
  • \(C_{p,l} = 28.0 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • \(T_f = 83.8 \, \text{K}\)
  • \(T_{eb} = 87.3 \, \text{K}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} \Delta S_3 &= 1 \times 28.0 \times \ln\left(\frac{87.3}{83.8}\right) \\ &= 28.0 \times \ln(1.04176) \\ &= 28.0 \times 0.0409 \\ &\approx 1.145 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Précision du logarithme : L'argument du logarithme est proche de 1, ce qui rend le résultat sensible aux arrondis des températures. Il est préférable de garder une bonne précision pour le rapport \(T_{eb}/T_f\) avant de calculer le logarithme.

Le saviez-vous ?
Résultat : \(\Delta S_3 \approx 1.15 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\).

Question 4 : Calcul de l'Entropie Absolue Totale

Principe :
S°(Teb) = ΔS₁ + ΔS₂ + ΔS₃

L'entropie est une fonction d'état. L'entropie absolue à une température finale \(T_{fin}\) est la somme de toutes les variations d'entropie subies par la substance pour passer de 0 K à \(T_{fin}\). On additionne donc simplement les contributions de chaque étape.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Ce calcul illustre parfaitement la puissance du troisième principe. En fixant \(S(0\,\text{K}) = 0\), on transforme des calculs de \(\Delta S\) en calculs de \(S(T)\). On construit littéralement la valeur de l'entropie "brique par brique" en partant de la référence zéro.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ S^\circ(T) = S^\circ(0\,\text{K}) + \Delta S_1 + \Delta S_2 + \Delta S_3 + \dots \]
\[ S^\circ(T_{eb}) = 0 + \Delta S_1 + \Delta S_2 + \Delta S_3 \]
Donnée(s) :
  • \(\Delta S_1 = 28.6 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • \(\Delta S_2 = 14.18 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\)
  • \(\Delta S_3 = 1.15 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} S^\circ(87.3\,\text{K}) &= 28.6 + 14.18 + 1.15 \\ &= 43.93 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Ne pas oublier d'étapes : Un calcul d'entropie absolue doit inclure TOUTES les transitions de phase et tous les segments de chauffage entre 0 K et la température finale. Omettre une étape conduit à un résultat erroné.

Le saviez-vous ?
Résultat : L'entropie molaire standard de l'argon liquide à 87.3 K est d'environ \(43.9 \, \text{J} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1}\).

Simulation : Calcul de l'Entropie Absolue

Choisissez une substance et une température finale pour calculer son entropie molaire absolue et voir la contribution de chaque étape.

Paramètres
Phase Finale
Entropie Absolue S°
Contributions à l'Entropie Totale

Pour Aller Plus Loin : L'Entropie Résiduelle

L'imperfection à 0 K : Le troisième principe ne s'applique qu'aux cristaux parfaits. Certaines substances, comme le monoxyde de carbone (CO) ou l'oxyde nitreux (N₂O), peuvent "geler" dans un état désordonné. Par exemple, dans un cristal de CO, les molécules peuvent être orientées de manière aléatoire (CO, OC, CO, CO, OC...). Ce désordre résiduel à 0 K se traduit par une entropie non nulle, appelée entropie résiduelle, qui peut être calculée par la formule de Boltzmann \(S = k_B \ln(W)\), où W est le nombre de micro-états possibles.


Le Saviez-Vous ?

Le troisième principe a une conséquence profonde : il est impossible d'atteindre la température du zéro absolu par un nombre fini d'étapes. Chaque processus de refroidissement (comme la démagnétisation adiabatique) réduit l'entropie, mais comme la courbe S(T) atteint zéro avec une pente nulle à T=0, on s'approche de plus en plus lentement de 0 K sans jamais pouvoir l'atteindre. C'est l'énoncé de "l'inaccessibilité du zéro absolu".


Foire Aux Questions (FAQ)

L'entropie peut-elle être négative ?

Non. Grâce au troisième principe qui fixe le point de référence le plus bas possible à S=0 pour T=0, l'entropie absolue d'une substance est toujours une quantité positive ou nulle. Seules les variations d'entropie (\(\Delta S\)) peuvent être négatives (lors d'un refroidissement ou d'une mise en ordre).

Quelle est la différence entre entropie et enthalpie de transition ?

L'enthalpie de transition (\(\Delta H\)) est la quantité de chaleur nécessaire pour effectuer le changement de phase d'une mole de substance à température constante. L'entropie de transition (\(\Delta S = \Delta H / T\)) représente l'augmentation de désordre associée à cette transformation. L'enthalpie est une mesure de l'énergie échangée, tandis que l'entropie est une mesure du changement de désordre.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. L'entropie d'un verre (solide amorphe) à 0 K est...

2. Pour une substance donnée, quelle transition de phase entraîne généralement la plus grande augmentation d'entropie ?


Glossaire

Troisième Principe
Principe de la thermodynamique qui postule que l'entropie d'un cristal parfait à la température de zéro absolu (0 K) est nulle. Il fournit un point de référence pour l'entropie.
Entropie Absolue (S°)
La mesure du désordre d'une mole d'une substance dans son état standard à une température donnée, calculée par rapport à la référence S=0 à T=0 K.
Cristal Parfait
Un solide dans lequel tous les atomes ou molécules sont arrangés dans une structure de réseau parfaitement ordonnée et non-dégénérée à 0 K.
Entropie Résiduelle
L'entropie non nulle d'une substance à 0 K, due à un désordre "gelé" dans la structure (par exemple dans les verres ou les cristaux imparfaits).
Le troisième principe et l'entropie absolue

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