Étude de la liquéfaction de l'air par le procédé Claude
Contexte : Le Froid Industriel et la Séparation des Gaz
La liquéfaction des gaz, et en particulier de l'air, est un procédé industriel majeur. Elle permet de stocker et de transporter de grandes quantités de gaz (comme l'azote et l'oxygène) sous forme liquide, beaucoup plus dense. Elle est aussi la base de la distillation cryogénique, méthode par laquelle on sépare les différents constituants de l'air. Le procédé de Georges Claude, inventé en 1902, a représenté une avancée majeure par rapport au simple cycle de Linde. Son innovation ? Utiliser une partie du gaz refroidi pour produire un travail mécanique dans une turbine de détenteDispositif qui refroidit un gaz en lui faisant produire du travail mécanique. La détente est quasi-isentropique, ce qui est plus efficace pour refroidir que la détente Joule-Thomson., provoquant un refroidissement bien plus efficace que la simple détente Joule-ThomsonProcessus où un gaz est détendu à travers une valve ou un poreux (détente isenthalpique). Le refroidissement (ou chauffage) dépend du gaz et des conditions initiales..
Remarque Pédagogique : Ce cycle est une application directe du premier et du second principe de la thermodynamique pour les systèmes ouverts. Il combine compression, échange de chaleur et détente avec production de travail. Le comprendre, c'est maîtriser l'analyse énergétique des cycles thermodynamiques industriels.
Objectifs Pédagogiques
- Identifier les différentes étapes d'un cycle de Claude (compression, refroidissement, détente, séparation).
- Appliquer le premier principe de la thermodynamique à chaque composant du cycle (compresseur, turbine, échangeur).
- Calculer les variations d'enthalpieGrandeur thermodynamique (H) représentant l'énergie totale d'un système. Pour un gaz parfait, sa variation ne dépend que de la température : ΔH = m * Cp * ΔT. et les transferts d'énergie (travail, chaleur).
- Déterminer le rendement de liquéfactionRapport entre le débit massique de gaz effectivement liquéfié et le débit massique total entrant dans le cycle. du procédé.
- Comprendre l'intérêt de la détente avec production de travail par rapport à une détente isenthalpique.
Données de l'étude
On souhaite liquéfier de l'air, assimilé à un gaz parfait, dans une installation fonctionnant selon un cycle de Claude. Le débit d'air entrant est de \(\dot{m} = 1 \, \text{kg/s}\). L'air est pris à l'état (1), puis comprimé de manière isotherme réversible jusqu'à l'état (2).
Le flux d'air est alors divisé : une fraction \(x\) est dirigée vers une turbine de détente (sortie à l'état 4'), tandis que la fraction \((1-x)\) passe dans un échangeur (sortie à l'état 3) puis subit une détente de Joule-Thomson (état 5). Le liquide saturé (état 6) est récupéré, et la vapeur saturée (état 7) est réchauffée pour refroidir l'air entrant.
Schéma Simplifié du Procédé Claude
Conditions & Propriétés
- Modèle du gaz Gaz parfait
- Débit massique, \(\dot{m}\) \(1 \, \text{kg/s}\)
- Capacité thermique, \(C_p\) \(1004 \, \text{J/(kg·K)}\)
- Indice isentropique, \(\gamma\) 1.4
Paramètres du Cycle
- État (1) \(P_1=1\,\text{bar}, T_1=300\,\text{K}\)
- État (2) \(P_2=40\,\text{bar}, T_2=300\,\text{K}\)
- Fraction dérivée, \(x\) 0.8
- Enthalpies à 1 bar :
Questions à traiter
- Calculer la température \(T_{4'}\) en sortie de turbine.
- Calculer le travail massique \(w_t\) fourni par la turbine.
- Déterminer l'enthalpie massique \(h_3\) de l'air à l'entrée de la vanne de détente, en supposant un échangeur parfait où le flux froid sort à \(T_7 = 295 \, \text{K}\).
- Calculer le rendement de liquéfaction \(y = \dot{m}_6 / \dot{m}\).
Correction : Étude de la liquéfaction de l'air par le procédé Claude
Question 1 : Température en sortie de turbine (\(T_{4'}\))
Principe :
La détente dans la turbine est supposée isentropique (adiabatique et réversible). Pour un gaz parfait, cela nous permet d'utiliser la loi de Laplace pour relier les températures et les pressions entre l'entrée (état 2, car l'air est prélevé après le compresseur à \(T_2=T_1=300\,\text{K}\)) et la sortie (état 4') de la turbine.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Température d'entrée turbine \(T_2 = 300 \, \text{K}\)
- Pression d'entrée turbine \(P_2 = 40 \, \text{bar}\)
- Pression de sortie turbine \(P_{4'} = 1 \, \text{bar}\)
- Indice isentropique \(\gamma = 1.4\)
Calcul(s) :
Question 2 : Travail massique de la turbine (\(w_t\))
Principe :
Le travail fourni par la turbine correspond à la variation d'enthalpie du fluide qui la traverse. C'est une application du premier principe pour un système ouvert en régime permanent, en négligeant les variations d'énergie cinétique et potentielle. Pour un gaz parfait, la variation d'enthalpie est directement liée à la variation de température.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(C_p = 1004 \, \text{J/(kg·K)}\)
- \(T_2 = 300 \, \text{K}\)
- \(T_{4'} \approx 104.1 \, \text{K}\) (calculé précédemment)
Calcul(s) :
Point Clé : Ce travail est "récupéré" par le cycle. Il peut être utilisé pour aider à alimenter le compresseur, réduisant ainsi l'apport d'énergie extérieur nécessaire et améliorant le rendement global du procédé. C'est l'avantage fondamental du cycle de Claude.
Question 3 : Enthalpie à l'entrée de la vanne (\(h_3\))
Principe :
On applique le premier principe à l'échangeur de chaleur. Le flux chaud (l'air à haute pression, débit \(\dot{m}(1-x)\)) se refroidit de l'état 2 à l'état 3. Le flux froid (la vapeur saturée non liquéfiée, débit \(\dot{m}(1-x-y)\), et l'air détendu de la turbine, débit \(\dot{m}x\)) se réchauffe. On fait un bilan d'énergie sur l'échangeur.
Formule(s) utilisée(s) :
Vu la complexité et les données manquantes pour un bilan complet, nous allons utiliser une simplification pédagogique basée sur la température \(T_3\). L'échangeur refroidit l'air de \(T_2=300\,\text{K}\) à \(T_3\). La température \(T_3\) doit être suffisamment basse pour que la détente Joule-Thomson produise du liquide. Une valeur typique est proche de la température de sortie de la turbine. Admettons \(T_3 = 110 \, \text{K}\) pour la suite du calcul.
Question 4 : Rendement de liquéfaction (\(y\))
Principe :
Le rendement \(y\) est la fraction massique de l'air qui est liquéfiée. On le trouve en faisant un bilan d'enthalpie sur la vanne de détente et le séparateur. La détente dans la vanne est isenthalpique (Joule-Thomson), donc \(h_3 = h_5\). L'enthalpie du mélange \(h_5\) est une moyenne des enthalpies du liquide et de la vapeur, pondérée par le titre en vapeur.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(h_3 \approx 110.4 \, \text{kJ/kg}\) (calculé précédemment)
- \(h_{\text{liq}} = 0 \, \text{kJ/kg}\)
- \(h_{\text{vap}} = 200 \, \text{kJ/kg}\)
- \(x = 0.8\)
Calcul(s) :
Simulation Interactive du Rendement
Explorez l'influence de la pression de compression et du rendement de la turbine sur l'efficacité du cycle.
Paramètres du Cycle
Coût Énergétique (kJ par kg de liquide)
Pour Aller Plus Loin : Optimisation du Cycle
L'art du compromis : Le rendement du cycle de Claude dépend fortement de la fraction \(x\) de gaz dérivée vers la turbine. Si \(x=0\), on retrouve le cycle de Linde, moins efficace. Si \(x=1\), tout l'air passe par la turbine, il n'y a plus de détente Joule-Thomson et donc pas de liquéfaction. Il existe donc une valeur optimale de \(x\) qui maximise le rendement de liquéfaction pour des pressions et températures données. L'optimisation de ces cycles est un problème d'ingénierie complexe.
Le Saviez-Vous ?
Georges Claude est aussi l'inventeur du tube au néon en 1910. Il a eu l'idée d'utiliser les gaz rares (comme le néon), sous-produits de son procédé de liquéfaction de l'air, pour créer des éclairages publicitaires. Il a ainsi fondé la société Claude-Lumière et illuminé les façades du monde entier.
Foire Aux Questions (FAQ)
Pourquoi assimiler l'air à un gaz parfait alors qu'il se liquéfie ?
C'est une excellente question qui pointe les limites du modèle. L'approximation "gaz parfait" est utilisée pour les phases gazeuses à haute température et basse pression (comme aux points 1, 2, 7) où elle est raisonnable. Pour les calculs de détente et de changement de phase à basse température, il faudrait normalement utiliser des tables thermodynamiques ou des équations d'état plus complexes (comme Van der Waals) qui décrivent le comportement réel de l'air. L'approche "gaz parfait" est une simplification à but pédagogique pour illustrer les principes du cycle.
Quel est l'intérêt de comprimer l'air de manière isotherme ?
Une compression isotherme (à température constante) requiert moins de travail qu'une compression adiabatique (sans échange de chaleur), qui augmenterait considérablement la température du gaz. En pratique, on réalise une compression "poly-étagée" avec des refroidisseurs intermédiaires pour se rapprocher le plus possible d'une compression isotherme et minimiser le coût énergétique.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Le principal avantage du cycle de Claude sur le cycle de Linde est :
2. Si le rendement isentropique de la turbine est inférieur à 100%, la température de sortie du gaz \(T_{4'}\) sera :
Glossaire
- Enthalpie (H)
- Fonction d'état thermodynamique représentant l'énergie totale d'un système. Elle inclut l'énergie interne et le produit de la pression par le volume. La variation d'enthalpie est égale à la chaleur échangée à pression constante.
- Détente Isentropique
- Une détente (diminution de pression) qui se produit sans changement d'entropie (adiabatique et réversible). Dans un tel processus, un gaz produit du travail et se refroidit de manière très efficace.
- Détente Joule-Thomson (Isenthalpique)
- Une détente qui se produit à enthalpie constante, typiquement à travers une valve ou un obstacle poreux. Le gaz ne produit pas de travail extérieur. Le refroidissement est généralement moins marqué que lors d'une détente isentropique.
- Rendement de liquéfaction (y)
- Rapport entre la masse de gaz qui est effectivement transformée en liquide et la masse totale de gaz admise dans le cycle. C'est un indicateur clé de la performance du procédé.
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