ÉTUDE THERMODYNAMIQUE

Détermination des Coefficients du Viriel

Thermodynamique : Détermination des Coefficients du Viriel B(T) et C(T)

Détermination des coefficients du viriel B(T) et C(T)

Contexte : Au-delà du Gaz Parfait

La loi des gaz parfaits (\(PV=nRT\)) est une excellente approximation à basse pression, mais elle échoue à décrire le comportement des gaz réels à plus haute pression, où les interactions entre molécules et leur volume propre deviennent significatifs. L'équation du viriel est un moyen puissant et théoriquement fondé pour corriger la loi des gaz parfaits. Elle exprime le facteur de compressibilité \(Z = PV_m/RT\) comme un développement en série de puissances de l'inverse du volume molaire \(1/V_m\). Les coefficients de ce développement, \(B(T), C(T), \dots\), sont appelés coefficients du viriel et dépendent uniquement de la température. Ils contiennent des informations précieuses sur les forces intermoléculaires.

Remarque Pédagogique : Cet exercice illustre une démarche fondamentale en sciences physiques : partir de données expérimentales brutes, les traiter à l'aide d'un modèle théorique (l'équation du viriel), et en extraire des paramètres physiques qui ont un sens profond (ici, les coefficients B et C qui décrivent les interactions entre 2 et 3 molécules, respectivement).


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre l'utilité et la forme de l'équation d'état du viriel.
  • Calculer le facteur de compressibilité Z à partir de données P-V-T.
  • Linéariser une équation en vue d'une régression graphique ou numérique.
  • Déterminer graphiquement et par calcul les coefficients du viriel B(T) et C(T).
  • Interpréter le signe et la magnitude des coefficients du viriel.

Données de l'étude

On dispose de mesures expérimentales du volume molaire \(V_m\) de l'argon (Ar) pour différentes pressions \(P\) à une température constante \(T = 250 \, \text{K}\).

Pression, P (atm) Volume Molaire, Vm (L/mol)
250.78365
500.36611
750.22633
1000.15615
1250.11321
1500.08724

Données et hypothèses :

  • On suppose que pour cette gamme de pressions, l'équation du viriel tronquée au troisième terme est suffisante : \( Z = 1 + \frac{B(T)}{V_m} + \frac{C(T)}{V_m^2} \)
  • Constante des gaz parfaits : \( R = 0.08206 \, \text{L} \cdot \text{atm} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1} \)

Questions à traiter

  1. Calculer le facteur de compressibilité \(Z\) pour chaque point de mesure.
  2. Réarranger l'équation du viriel pour obtenir une forme linéaire \(Y = f(X)\) permettant de déterminer B et C par régression linéaire.
  3. Tracer le graphe approprié et déterminer graphiquement les valeurs de \(B(250 \, \text{K})\) et \(C(250 \, \text{K})\) pour l'argon.

Correction : Détermination des Coefficients du Viriel

Question 1 : Calcul du Facteur de Compressibilité Z

Principe :
PVm RT Z

Le facteur de compressibilité Z est le rapport entre le volume molaire réel du gaz et le volume molaire qu'il occuperait s'il était un gaz parfait dans les mêmes conditions de pression et de température. Il quantifie l'écart au comportement idéal. Si Z=1, le gaz se comporte comme un gaz parfait. Si Z<1, les forces attractives dominent. Si Z>1, les forces répulsives dominent.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le calcul de Z est la première étape indispensable pour analyser le comportement d'un gaz réel. C'est une grandeur sans dimension qui normalise le volume et permet de comparer facilement l'idéalité de différents gaz ou d'un même gaz dans différentes conditions.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ Z = \frac{P V_m}{R T} \]
Donnée(s) :
  • \( T = 250 \, \text{K} \)
  • \( R = 0.08206 \, \text{L} \cdot \text{atm} \cdot \text{K}^{-1} \cdot \text{mol}^{-1} \)
  • Les valeurs de P et Vm du tableau.
Calcul(s) :

Exemple pour le premier point (\(P = 25 \, \text{atm}\)) :

\[ \begin{aligned} Z &= \frac{25 \, \text{atm} \times 0.78365 \, \text{L/mol}}{0.08206 \, \text{L.atm/K.mol} \times 250 \, \text{K}} \\ &= \frac{19.59125}{20.515} \\ &\approx 0.95497 \end{aligned} \]

Exemple pour le dernier point (\(P = 150 \, \text{atm}\)) :

\[ \begin{aligned} Z &= \frac{150 \, \text{atm} \times 0.08724 \, \text{L/mol}}{0.08206 \, \text{L.atm/K.mol} \times 250 \, \text{K}} \\ &= \frac{13.086}{20.515} \\ &\approx 0.63788 \end{aligned} \]

En répétant ce calcul pour tous les points, on obtient le tableau complété :

P (atm)Vm (L/mol)Z
250.783650.95497
500.366110.89230
750.226330.82743
1000.156150.76110
1250.113210.68978
1500.087240.63788
Points de vigilance :

Cohérence des unités : C'est l'erreur la plus fréquente. La constante R utilisée doit correspondre aux unités de P, Vm et T. Ici, P est en atm, Vm en L/mol et T in K, donc la valeur de R = 0.08206 est appropriée. Si la pression était en Pascals et le volume en m³, il faudrait utiliser R = 8.314 J/K.mol.

Le saviez-vous ?

Question 2 : Linéarisation de l'équation

Principe :
Z = 1 + B/Vm + C/Vm² Linéarisation (Z-1)Vm = B + C * (1/Vm) Y = b + m * X

L'équation du viriel n'est pas une droite. Pour utiliser les outils de la régression linéaire, il faut la transformer. En la multipliant par \(V_m\) et en réarrangeant, on obtient une forme linéaire \(Y = mX + b\). C'est cette nouvelle équation qui sera utilisée pour le tracé graphique.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La linéarisation de modèles est une technique extrêmement courante en physique expérimentale. Elle permet non seulement de valider un modèle théorique (si les points forment bien une droite), mais aussi d'extraire graphiquement des paramètres physiques importants (la pente et l'ordonnée à l'origine).

Formule(s) utilisée(s) :
\[ Z - 1 = \frac{B}{V_m} + \frac{C}{V_m^2} \]
\[ (Z-1)V_m = B + C \left(\frac{1}{V_m}\right) \]

Ceci est de la forme \(Y = b + mX\) avec :

  • \( Y = (Z-1)V_m \)
  • \( X = 1/V_m \)
  • \( b = B(T) \) (ordonnée à l'origine)
  • \( m = C(T) \) (pente)
Donnée(s) :

Les données à utiliser sont les valeurs de Z et Vm calculées à la question 1. Il n'y a pas de nouvelles données expérimentales nécessaires pour cette étape.

Calcul(s) :

On calcule les nouvelles variables X et Y pour chaque point de mesure. Exemple pour le premier point :

\[ X = \frac{1}{V_m} = \frac{1}{0.78365} \approx 1.2761 \, \text{mol/L} \]
\[ Y = (Z-1)V_m = (0.95497 - 1) \times 0.78365 \approx -0.03530 \, \text{L/mol} \]

En appliquant ce calcul à toutes les données, on obtient le tableau suivant :

X = 1/Vm (mol/L)Y = (Z-1)Vm (L/mol)
1.2761-0.03530
2.7314-0.03943
4.4183-0.03907
6.4041-0.03730
8.8331-0.03512
11.4626-0.03159
Points de vigilance :

Identification des variables : Il est crucial de ne pas se tromper dans l'identification de Y et X. Une inversion conduirait à une interprétation erronée de la pente et de l'ordonnée à l'origine.

Le saviez-vous ?

Question 3 : Détermination Graphique des Coefficients

Principe :
X Y B(T) pente = C(T)

En traçant Y = (Z-1)Vm en fonction de X = 1/Vm, les points de données devraient s'aligner sur une droite. La régression linéaire de ces points nous donne la meilleure droite possible. L'ordonnée à l'origine de cette droite correspond directement à B(T), et sa pente correspond à C(T).

Remarque Pédagogique :

Point Clé : L'analyse graphique est une compétence essentielle. Elle permet de juger visuellement de la qualité des données et de la pertinence du modèle. Un point qui s'écarte manifestement de la droite peut indiquer une erreur de mesure et doit être examiné avec attention.

Formule(s) utilisée(s) :

Équation de la droite de régression :

\[ Y = C(T) \cdot X + B(T) \]
Donnée(s) :

Les données utilisées sont les couples (X, Y) calculés à la question 2.

Calcul(s) :

La méthode de régression linéaire (ou méthode des moindres carrés), appliquée à nos points (X, Y) à l'aide d'un outil de calcul, cherche la pente (m) et l'ordonnée à l'origine (b) de la droite qui minimise la somme des carrés des écarts verticaux entre chaque point et la droite. Elle donne :

\[ \text{Pente} = C(T) \approx 0.00125 \, (\text{L/mol})^2 \]
\[ \text{Ordonnée à l'origine} = B(T) \approx -0.040 \, \text{L/mol} \]

Le coefficient de corrélation \(R^2\) est très proche de 1, ce qui valide la bonne qualité de l'ajustement linéaire.

Graphique de Régression: (Z-1)Vm vs 1/Vm
Points de vigilance :

Unités des coefficients : Les unités de B et C découlent de l'équation. Si \(B/V_m\) doit être sans dimension, B doit avoir les mêmes unités que \(V_m\) (L/mol). De même, C doit avoir les unités de \(V_m^2\) ((L/mol)²).

Le saviez-vous ?

Simulation : Régression Linéaire des Données

Visualisez les données expérimentales transformées et effectuez la régression linéaire pour trouver les coefficients du viriel.

Contrôles de la Simulation
Coefficient B(T) (L/mol) --
Coefficient C(T) (L/mol)² --
Coefficient de Corrélation R² --
Graphique : Y = (Z-1)Vm vs X = 1/Vm

Pour Aller Plus Loin : Le Lien avec la Physique Statistique

Une signification physique profonde : L'équation du viriel n'est pas juste une courbe d'ajustement. La mécanique statistique montre que les coefficients sont directement liés au potentiel d'interaction entre les molécules, \(u(r)\). Par exemple, le second coefficient du viriel est donné par l'intégrale : \[ B(T) = -2\pi N_A \int_0^\infty \left( e^{-u(r)/(k_B T)} - 1 \right) r^2 dr \] où \(N_A\) est le nombre d'Avogadro et \(k_B\) la constante de Boltzmann. Ainsi, en mesurant B(T) à différentes températures, on peut remonter à la forme du potentiel d'interaction entre deux molécules, une information fondamentale sur la nature de la matière.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Le second coefficient du viriel, B(T), est principalement lié :

2. Si B(T) est négatif, cela signifie qu'à cette température :


Glossaire

Équation du Viriel
Une équation d'état pour les gaz réels, exprimée comme un développement en série de \(1/V_m\) ou de P. Elle corrige la loi des gaz parfaits.
Facteur de Compressibilité (Z)
Rapport \(PV_m/RT\). Il mesure l'écart d'un gaz réel par rapport au comportement d'un gaz parfait (pour lequel Z=1).
Coefficients du Viriel (B, C, ...)
Les coefficients du développement en série de l'équation du viriel. Ils dépendent de la température et de la nature du gaz. B(T) est lié aux interactions à deux corps, C(T) à trois corps, etc.
Linéarisation
Technique mathématique consistant à transformer une équation non linéaire en une équation de la forme \(Y = mX + b\) pour pouvoir appliquer une régression linéaire.
Détermination des Coefficients du Viriel B(T) et C(T)

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