Le Paradoxe de Gibbs et sa Résolution Statistique

Exercice : Le Paradoxe de Gibbs

Le Paradoxe de Gibbs et sa Résolution Statistique

Contexte : La Thermodynamique StatistiqueBranche de la physique qui utilise les statistiques pour expliquer les propriétés macroscopiques (température, pression) à partir du comportement des particules microscopiques (atomes, molécules)..

L'un des succès de la thermodynamique statistique est le calcul de l'entropie, une mesure du désordre d'un système. Cependant, l'application directe des principes classiques au mélange de gaz mène à une conclusion déroutante connue sous le nom de Paradoxe de GibbsLe résultat contre-intuitif de la thermodynamique statistique classique qui prédit une augmentation d'entropie même lorsque deux gaz identiques sont mélangés.. Ce paradoxe survient lorsqu'on calcule la variation d'entropie lors du mélange de deux gaz identiques et que l'on trouve une augmentation non nulle, ce qui contredit l'intuition et l'expérience.

Remarque Pédagogique : Cet exercice vous guidera à travers les calculs qui révèlent le paradoxe, puis vous montrera comment sa résolution, en introduisant le concept d'indiscernabilité des particules, a été une étape cruciale vers la mécanique quantique.


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre l'origine et la formulation mathématique du Paradoxe de Gibbs.
  • Calculer l'entropie de mélange pour des gaz parfaits discernables et indiscernables.
  • Appliquer la correction de Gibbs pour résoudre le paradoxe.
  • Saisir l'importance fondamentale de l'indiscernabilité des particules en physique.

Données de l'étude

On considère une boîte isolée thermiquement, séparée en deux compartiments de volume égal V par une paroi amovible. Chaque compartiment contient un gaz parfait à la même température T et à la même pression P.

Configuration Initiale du Système
Gaz A n, V, T Gaz B n, V, T Paroi Amovible
Paramètre Description Valeur
n Nombre de moles dans chaque compartiment 1 mol
T Température du système (constante) 298 K
R Constante des gaz parfaits \(8.314 \text{ J} \cdot \text{mol}^{-1} \cdot \text{K}^{-1}\)

Questions à traiter

  1. Cas 1 (Gaz différents) : En utilisant l'équation d'entropie pour des particules discernables, calculez l'entropie de mélange \(\Delta S_{\text{mélange}}\) lorsque le Gaz A (ex: Argon) et le Gaz B (ex: Néon) sont mélangés.
  2. Cas 2 (Paradoxe) : Calculez l'entropie de mélange \(\Delta S_{\text{mélange}}\) en supposant que les deux gaz sont identiques (ex: Argon et Argon), toujours en utilisant l'équation pour particules discernables. Expliquez pourquoi le résultat est paradoxal.
  3. Résolution : Introduisez la correction de Gibbs dans l'équation d'entropie pour tenir compte de l'indiscernabilité des particules.
  4. Cas 3 (Résolu) : Recalculez l'entropie de mélange pour deux gaz identiques en utilisant l'équation corrigée et montrez que le paradoxe est résolu.

Bases de la Thermodynamique Statistique

L'entropie d'un gaz parfait monoatomique peut être décrite par l'équation de Sackur-Tetrode. Pour nos calculs, nous utiliserons une forme simplifiée qui met en évidence la dépendance au volume et au nombre de particules.

1. Entropie (Particules Discernables)
Pour \(n\) moles d'un gaz dans un volume \(V\) à une température \(T\), l'entropie selon l'approche classique (où les particules sont traitées comme des objets distincts) est non-extensive et peut s'écrire : \[ S(n, V, T) = nR \left( \ln(V) + \frac{3}{2}\ln(T) \right) + C_1 \] où \(C_1\) est une constante. L'important ici est le terme \(\ln(V)\).

2. Entropie (Particules Indiscernables) - Formule Corrigée
Pour corriger le problème de la discernabilité, Gibbs a postulé qu'il faut diviser le nombre de micro-états par \(N!\) (factorielle du nombre de particules), ce qui rend l'entropie extensive. L'équation devient : \[ S(n, V, T) = nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + \frac{3}{2}\ln(T) \right) + C_2 \] Le terme crucial est maintenant \(\ln(V/n)\), qui dépend de la densité et non du volume seul.


Correction : Le Paradoxe de Gibbs et sa Résolution Statistique

Question 1 : Mélange de deux gaz différents

Principe

Nous calculons l'entropie totale avant et après avoir retiré la paroi. La différence, \(\Delta S\), nous donnera l'entropie de mélange. Comme les gaz A et B sont chimiquement distincts, leur mélange est un processus irréversible qui doit augmenter le désordre total du système, conformément au Second Principe de la Thermodynamique.

Mini-Cours

L'entropie, \(S\), est une fonction d'état. Cela signifie que sa variation ne dépend que des états initial et final du système, pas du chemin parcouru. Pour un système composé de plusieurs sous-systèmes indépendants (comme nos deux compartiments), l'entropie totale est simplement la somme des entropies de chaque sous-système : \(S_{\text{tot}} = S_A + S_B\).

Remarque Pédagogique

Visualisez ce processus comme deux jeux de cartes distincts (un rouge, un bleu) que l'on mélange. Le désordre augmente car il y a beaucoup plus de façons de disposer les cartes mélangées que de les garder séparées. C'est l'essence de l'augmentation de l'entropie lors du mélange.

Normes

La "norme" fondamentale ici est le Second Principe de la Thermodynamique, qui stipule que pour tout processus irréversible dans un système isolé, l'entropie totale (\(\Delta S_{\text{univers}}\)) doit augmenter. Le mélange spontané de deux gaz différents est un exemple classique de processus irréversible.

Formule(s)

Nous utilisons l'équation d'état pour les particules discernables où la température est constante. La variation d'entropie pour chaque gaz est due à son expansion du volume \(V\) au volume final \(2V\).

\[ S_{\text{initiale}} = S_A(V) + S_B(V) \]
\[ S_{\text{finale}} = S_A(2V) + S_B(2V) \]
\[ \Delta S_{\text{mélange}} = S_{\text{finale}} - S_{\text{initiale}} = (S_A(2V)-S_A(V)) + (S_B(2V)-S_B(V)) \]
Hypothèses
  • Les gaz A et B sont des gaz parfaits et ne réagissent pas chimiquement.
  • La température T est constante (processus isotherme).
  • Le système global est isolé de l'extérieur.
  • Les particules des gaz A et B sont discernables entre elles.
Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Nombre de moles (chaque gaz)n1mol
Constante des gaz parfaitsR\(8.314\)\(\text{J} \cdot \text{mol}^{-1} \cdot \text{K}^{-1}\)
Astuces

Pour un processus isotherme, la variation d'entropie d'un gaz parfait se simplifie en \(\Delta S = nR \ln(V_{\text{final}}/V_{\text{initial}})\). Comme chaque gaz double son volume, on peut directement calculer la variation pour un gaz et multiplier par deux.

Schéma (Avant les calculs)
État Initial : Gaz Séparés
Gaz A (Ar)n, V, TGaz B (Ne)n, V, TParoi Amovible
Calcul(s)

Étape 1 : Entropie initiale

\[ S_{\text{initiale}} = S_A(V) + S_B(V) = 2(nR\ln(V) + K) \]

Étape 2 : Entropie finale

\[ S_{\text{finale}} = S_A(2V) + S_B(2V) = 2(nR\ln(2V) + K) \]

Étape 3 : Variation d'entropie

\[ \begin{aligned} \Delta S_{\text{mélange}} &= S_{\text{finale}} - S_{\text{initiale}} \\ &= 2(nR\ln(2V) + K) - 2(nR\ln(V) + K) \\ &= 2nR(\ln(2V) - \ln(V)) \\ &= 2nR\ln\left(\frac{2V}{V}\right) \\ &= 2nR\ln(2) \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
État Final : Gaz Mélangés
Mélange A + B2n, 2V, T
Réflexions

Le résultat \(\Delta S = 2nR\ln(2)\) est positif, ce qui est physiquement cohérent. Le mélange de deux gaz distincts est un processus spontané qui augmente le désordre (le nombre de configurations microscopiques possibles), et donc l'entropie. La valeur numérique est \(2 \times 1 \times 8.314 \times \ln(2) \approx 11.53 \text{ J} \cdot \text{K}^{-1}\).

Points de vigilance

Faites attention à ne pas oublier le facteur 2. La variation d'entropie concerne la détente de *chaque* gaz dans le volume total. Une erreur commune est de ne calculer la variation que pour un seul gaz.

Points à retenir

Pour le mélange isotherme de deux gaz parfaits différents occupant initialement le même volume, l'entropie de mélange est toujours positive et vaut \(2nR\ln(2)\). C'est l'entropie de détente de chaque gaz dans le volume final.

Le saviez-vous ?

Le concept d'entropie a été introduit par Rudolf Clausius en 1865. Il a choisi ce nom du mot grec "trope" (transformation) pour créer une analogie avec le mot "énergie". Il a résumé les deux premiers principes de la thermodynamique par la phrase célèbre : "L'énergie de l'univers est constante ; l'entropie de l'univers tend vers un maximum."

FAQ
Résultat Final
L'entropie de mélange pour deux gaz parfaits différents est \(\Delta S_{\text{mélange}} = 2nR\ln(2) \approx 11.53 \text{ J} \cdot \text{K}^{-1}\).
A vous de jouer

Calculez \(\Delta S_{\text{mélange}}\) si le Gaz B occupait initialement un volume de 3V (et le gaz A un volume V). La paroi est retirée. Quelle est la nouvelle entropie de mélange ? (Indice: les volumes finaux sont les mêmes, mais les volumes initiaux diffèrent).

Question 2 : Le paradoxe du mélange de gaz identiques

Principe

Nous appliquons aveuglément la même logique mathématique que pour la question 1, mais en considérant que les gaz A et B sont identiques. D'un point de vue physique, retirer une paroi entre deux volumes du même gaz ne devrait constituer aucun changement d'état macroscopique, donc \(\Delta S\) devrait être nul. Le paradoxe apparaît si le calcul donne un résultat non nul.

Mini-Cours

La physique statistique classique, développée par Boltzmann et Maxwell, traite les particules (atomes, molécules) comme de petites billes de billard. Dans ce cadre, même deux atomes du même élément sont considérés comme "discernables" : on pourrait en théorie peindre l'un en rouge et l'autre en bleu et les suivre. C'est cette hypothèse fondamentale qui est mise à l'épreuve ici.

Remarque Pédagogique

C'est un exemple parfait de "reductio ad absurdum" en physique. Nous allons utiliser un modèle (la statistique classique) et le pousser jusqu'à une conclusion qui contredit l'évidence expérimentale (mélanger de l'air avec de l'air ne change rien). Cela nous forcera à remettre en question les hypothèses du modèle.

Normes

La "norme" ici est le Principe Zéro de la Thermodynamique implicite : si deux systèmes sont dans le même état thermodynamique (même P, V/N, T), leur combinaison ne devrait pas changer cet état. De plus, l'entropie doit être une propriété extensive : l'entropie de 2N particules dans un volume 2V devrait être le double de celle de N particules dans un volume V. La formule classique viole cette extensivité.

Formule(s)

Les formules sont mathématiquement identiques à la Question 1, car le modèle ne fait pas de différence entre des particules "discernables par nature" (Ar vs Ne) et des particules "identiques mais supposées discernables" (Ar vs Ar).

\[ \Delta S_{\text{mélange}} = S_{\text{finale}} - S_{\text{initiale}} = 2nR\ln(2) \]
Hypothèses
  • Les particules sont identiques mais traitées comme discernables.
  • Toutes les autres hypothèses (gaz parfait, processus isotherme) sont les mêmes que pour la Question 1.
Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Nombre de moles (chaque gaz)n1mol
Constante des gaz parfaitsR\(8.314\)\(\text{J} \cdot \text{mol}^{-1} \cdot \text{K}^{-1}\)
Astuces

Il n'y a pas d'astuce de calcul ici. L'important est de reconnaître que l'application directe de la formule mène à une absurdité physique. L'astuce est conceptuelle : identifiez la faille dans le raisonnement.

Schéma (Avant les calculs)
État Initial : Gaz Identiques Séparés
Gaz A (Ar)n, V, TGaz A (Ar)n, V, TParoi Amovible
Calcul(s)

Application du calcul précédent

Puisque le modèle mathématique ne distingue pas les cas, le calcul reste le même :

\[ \Delta S_{\text{mélange}} = 2nR\ln(2) \approx 11.53 \text{ J} \cdot \text{K}^{-1} \]
Schéma (Après les calculs)
État Final : "Mélange" de Gaz Identiques
Gaz A dans le volume total2n, 2V, T
Réflexions

Le résultat \(\Delta S > 0\) est le paradoxe. Il suggère qu'un processus réversible (retirer et remettre une paroi entre deux gaz identiques) crée de l'entropie, ce qui viole le Second Principe. Cela signifie que notre modèle comptabilise des "états" qui ne sont pas physiquement distincts. Permuter deux atomes d'argon ne crée pas un nouvel état du système.

Points de vigilance

Le cœur du paradoxe : Le problème n'est pas dans les mathématiques, mais dans le modèle physique. La physique classique considère à tort les particules identiques comme étant discernables. La formule utilisée est incorrecte car elle n'est pas extensive.

Points à retenir

Le calcul classique donne une entropie de mélange non nulle pour des gaz identiques, ce qui est physiquement faux. Ce résultat paradoxal démontre l'échec de la statistique classique et la nécessité d'introduire un nouveau concept : l'indiscernabilité.

Le saviez-vous ?

Josiah Willard Gibbs (1839-1903), qui a formulé ce paradoxe, est considéré comme l'un des pères de la thermodynamique et de la chimie physique. Il a introduit des concepts comme l'énergie libre de Gibbs, un pilier de la chimie moderne pour prédire la spontanéité des réactions.

FAQ
Résultat Final
Le calcul basé sur la discernabilité prédit à tort une entropie de mélange \(\Delta S_{\text{mélange}} = 2nR\ln(2) > 0\).
A vous de jouer

Selon le calcul paradoxal, quelle serait l'entropie de mélange si on retirait la paroi entre 3 compartiments identiques (n, V, T) remplis du même gaz ? (Le volume final est 3V)

Question 3 : Résolution via l'indiscernabilité

Principe

La mécanique quantique nous apprend que les particules identiques (comme deux électrons ou deux atomes d'argon) sont fondamentalement indiscernables. On ne peut pas les étiqueter et les suivre individuellement. Pour corriger cela en thermodynamique statistique, J. Willard Gibbs a proposé de diviser le nombre total de micro-états par \(N!\) (factorielle du nombre de particules) pour éliminer les permutations qui sont comptées à tort comme des états distincts.

Mini-Cours

L'indiscernabilité signifie que si vous avez deux particules identiques, échanger leurs positions ne crée pas un nouvel état physique. La physique classique, en traitant chaque particule comme unique, surévalue massivement le nombre d'états possibles d'un système. La correction de Gibbs est un ajustement "ad hoc" qui anticipe ce résultat fondamental de la mécanique quantique.

Remarque Pédagogique

Le changement clé est de passer d'une pensée où l'entropie dépend du volume total \(V\) à une pensée où elle dépend du volume par particule, \(V/N\). C'est ce qui rend la formule "extensive" et physiquement correcte. C'est le passage d'une propriété absolue à une propriété relative (une densité).

Normes

La correction est une modification de la statistique de Maxwell-Boltzmann. Elle est fondamentale pour que la thermodynamique statistique soit en accord avec le Second Principe de la thermodynamique et avec le concept d'extensivité des fonctions d'état.

Formule(s)

Nous partons de la formule de l'entropie de Boltzmann \(S = k_B \ln(\Omega)\) et nous appliquons la correction sur le nombre de micro-états \(\Omega\).

\[ \Omega_{\text{corrigé}} = \frac{\Omega_{\text{classique}}}{N!} \]
\[ S_{\text{corrigée}} = k_B \ln\left(\frac{\Omega_{\text{classique}}}{N!}\right) = S_{\text{classique}} - k_B \ln(N!) \]
Hypothèses
  • Les N particules du système sont identiques et indiscernables.
  • Le nombre de particules N est très grand, ce qui permet d'utiliser l'approximation de Stirling.
Donnée(s)

Cette question est purement théorique. Aucune nouvelle donnée numérique n'est requise.

Astuces

La clé de la simplification est l'approximation de Stirling pour \(N \gg 1\), qui stipule que \(\ln(N!) \approx N\ln(N) - N\). C'est cet outil mathématique qui permet de passer de la correction en \(N!\) à une forme simple et maniable de l'entropie.

Schéma (Avant les calculs)
Concept de Permutation
État 112Classiquement: DistinctÉtat 221Physiquement: IdentiqueLa correction par N! élimine ce surcomptage.
Calcul(s)

Dérivation de la correction

L'entropie est \(S = k_B \ln(\Omega)\), où \(\Omega\) est le nombre de micro-états. Pour un gaz parfait, \(\Omega\) est proportionnel au volume accessible élevé à la puissance du nombre de particules, \(N\).

\[ S_{\text{classique}} \propto k_B \ln(V^N) = N k_B \ln(V) \]

Pour corriger la discernabilité, on divise \(\Omega\) par \(N!\), le nombre de permutations des particules.

\[ S_{\text{corrigée}} \propto k_B \ln\left(\frac{V^N}{N!}\right) = k_B (N\ln(V) - \ln(N!)) \]

En utilisant l'approximation de Stirling, \(\ln(N!) \approx N\ln(N) - N\), pour un grand nombre de particules \(N\).

\[ \begin{aligned} S_{\text{corrigée}} &\approx k_B (N\ln(V) - (N\ln(N) - N)) \\ &= N k_B (\ln(V) - \ln(N) + 1) \\ &= N k_B \left(\ln\left(\frac{V}{N}\right) + 1\right) \end{aligned} \]

Puisque \(N = n N_A\) et \(R = N_A k_B\), alors \(N k_B = n R\). L'entropie devient dépendante de \(\ln(V/N)\) ou \(\ln(V/n)\), ce qui la rend extensive.

Schéma (Après les calculs)
Extensivité de l'Entropie
S en fonction de N (à densité constante)SNS ∝ N ln(V) (Non-extensive)S ∝ N ln(V/N) (Extensive)
Réflexions

La dérivation mathématique montre comment une correction conceptuelle (diviser par \(N!\)) se traduit par un changement simple mais profond dans la formule de l'entropie (\(\ln(V) \Rightarrow \ln(V/N)\)). Ce nouveau terme assure que l'entropie se comporte comme attendu lorsqu'on change la taille du système.

Points de vigilance

L'approximation de Stirling n'est valable que pour de très grands N, ce qui est toujours le cas en thermodynamique macroscopique. Ne l'utilisez pas pour des systèmes de quelques particules !

Points à retenir

L'introduction du facteur \(1/N!\) est la clé de la résolution du paradoxe. Elle assure que l'entropie est une grandeur extensive, c'est-à-dire qu'elle double si on double la taille du système.

Le saviez-vous ?

James Clerk Maxwell, un contemporain de Gibbs, a lui aussi senti que quelque chose clochait avec l'entropie de mélange, écrivant que le résultat était "répugnant à notre sens commun". Cependant, c'est Gibbs qui a formellement analysé le paradoxe et proposé cette solution semi-classique.

FAQ
Résultat Final
La formule de l'entropie pour des particules indiscernables est \( S(n, V, T) = nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + \frac{3}{2}\ln(T) \right) + C_2 \).
A vous de jouer

Si un système contient 3 particules identiques, combien de permutations sont comptées à tort par la physique classique ?

Question 4 : Recalcul pour les gaz identiques (cas résolu)

Principe

Nous allons maintenant refaire le calcul du cas paradoxal (Question 2), mais cette fois en utilisant la formule correcte de l'entropie, qui prend en compte l'indiscernabilité des particules. Le but est de vérifier si cette nouvelle approche mathématique donne un résultat physiquement juste, c'est-à-dire \(\Delta S_{\text{mélange}} = 0\).

Mini-Cours

La nouvelle formule \(S = nR \ln(V/n) + ...\) rend l'entropie extensive. Cela signifie que si l'on double la quantité de matière et le volume (en gardant la densité \(n/V\) constante), l'entropie double aussi : \(S(2n, 2V) = 2 \times S(n, V)\). C'est une propriété physique essentielle pour toute grandeur comme l'entropie, la masse ou l'énergie.

Remarque Pédagogique

Concentrez-vous sur le terme \(\ln(V/n)\). C'est lui qui change tout. L'entropie ne dépend plus du volume absolu, mais du volume *par mole* (ou par particule). Dans notre expérience, la densité \(n/V\) est la même avant et après le retrait de la paroi, ce qui est un indice fort que l'entropie ne devrait pas changer.

Normes

Ce calcul est conforme à la statistique de Maxwell-Boltzmann corrigée (parfois appelée statistique de Gibbs), qui est la limite classique de la statistique quantique (Bose-Einstein ou Fermi-Dirac) à haute température et faible densité. C'est le cadre standard pour les gaz parfaits.

Formule(s)

Nous utilisons l'équation corrigée pour l'entropie.

\[ S(n, V) = nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + K' \right) \]
\[ S_{\text{initiale}} = S(n, V) + S(n, V) \]
\[ S_{\text{finale}} = S(2n, 2V) \]
Hypothèses
  • Les particules sont identiques ET indiscernables.
  • Les autres hypothèses restent inchangées.
Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Nombre de moles (chaque compartiment)n1mol
Volume (chaque compartiment)V--
Astuces

Utilisez les propriétés du logarithme : \(\ln(a/b) = \ln(a) - \ln(b)\). Observez que le terme \(\ln(2V/2n)\) se simplifie immédiatement en \(\ln(V/n)\), ce qui rend les calculs très directs.

Schéma (Avant les calculs)
Système avec Particules Indiscernables
Gazn, V, TMême Gazn, V, T
Calcul(s)

Étape 1 : Entropie initiale

L'entropie totale est la somme des entropies des deux compartiments.

\[ S_{\text{initiale}} = S(n,V) + S(n,V) = 2 \left[ nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + K' \right) \right] \]

Étape 2 : Entropie finale

Après retrait de la paroi, on a un seul système de \(2n\) moles dans un volume \(2V\).

\[ \begin{aligned} S_{\text{finale}} &= S(2n, 2V) \\ &= (2n)R \left( \ln\left(\frac{2V}{2n}\right) + K' \right) \\ &= 2nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + K' \right) \end{aligned} \]

Étape 3 : Variation d'entropie

La différence est maintenant nulle.

\[ \begin{aligned} \Delta S_{\text{mélange}} &= S_{\text{finale}} - S_{\text{initiale}} \\ &= 2nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + K' \right) - 2nR \left( \ln\left(\frac{V}{n}\right) + K' \right) \\ &= 0 \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
État Final : Volume Unifié
État Final Unifié2n, 2V, T
Réflexions

Le résultat est maintenant \(\Delta S = 0\). Cela correspond parfaitement à l'expérience et à l'intuition : mélanger une substance avec elle-même est un processus réversible qui ne change pas l'état du système. La correction de l'indiscernabilité a non seulement résolu le paradoxe, mais elle a aussi rendu l'entropie correctement extensive.

Points de vigilance

Ne pas confondre les deux formules. La première, \(S \propto nR\ln(V)\), est fausse car non-extensive et mène au paradoxe. La seconde, \(S \propto nR\ln(V/n)\), est la bonne approximation classique.

Points à retenir

Le concept d'indiscernabilité est essentiel. Il se traduit mathématiquement par une correction qui rend l'entropie extensive et résout le paradoxe de Gibbs. L'entropie d'un gaz parfait dépend de son volume par particule (densité), pas de son volume total.

Le saviez-vous ?

L'indiscernabilité a des conséquences encore plus profondes en mécanique quantique. Elle est à l'origine du Principe d'exclusion de Pauli pour les fermions (comme les électrons), qui structure le tableau périodique des éléments, et du comportement grégaire des bosons (comme les photons), qui permet l'existence des lasers et de la superfluidité.

FAQ
Résultat Final
Avec la correction de Gibbs, l'entropie de mélange pour deux gaz identiques est \(\Delta S_{\text{mélange}} = 0\). Le paradoxe est résolu.
A vous de jouer

En utilisant la formule corrigée, montrez que l'entropie est bien extensive. Calculez \(S_1 = S(n,V)\) et \(S_2 = S(2n, 2V)\) (en ignorant les termes constants). Vérifiez que \(S_2 = 2S_1\).


Outil Interactif : Simulateur d'Entropie de Mélange

Utilisez cet outil pour explorer comment l'entropie de mélange varie en fonction des quantités de gaz et de leur nature (identiques ou différentes).

Paramètres d'Entrée
1.0 mol
1.0 mol
Résultats (à T=298K)
\(\Delta S_{\text{mélange}}\) (J·K⁻¹) -

Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Quelle est la cause fondamentale du Paradoxe de Gibbs ?

2. Quelle est la valeur de l'entropie de mélange pour deux gaz parfaits identiques aux mêmes pression et température ?

3. La correction de Gibbs consiste à diviser le nombre de micro-états par...

4. Lors du mélange (à T et P constantes) de deux gaz parfaits *différents*, l'entropie de mélange est...

5. La résolution du paradoxe de Gibbs est une anticipation historique de quel concept fondamental ?


Glossaire

Entropie de mélange
L'augmentation de l'entropie totale qui se produit lorsque deux ou plusieurs substances différentes sont mélangées. Pour les substances identiques, cette variation est nulle.
Particules Indiscernables
Concept de la mécanique quantique selon lequel il est impossible de distinguer ou d'étiqueter individuellement deux particules identiques (par exemple, deux électrons).
Propriété Extensive
Une propriété physique d'un système qui est proportionnelle à la taille ou à la quantité de matière du système (ex: la masse, le volume). L'entropie est une propriété extensive.
Exercice : Le Paradoxe de Gibbs

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